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LE POINT DE VUE SUR LE TEST DE DIAGNOSTIQUE GENETIQUE

Bulletin n°15 de la SVEROF

 

Devant les propositions croissantes de tests génétiques (vétérinaires, publications, internet, etc…) les éleveurs s’interrogent et nous interrogent. Souhaitant apporter une réponse claire et scientifiquement argumentée, la SFEROV a questionné les chercheurs du CNRS. Le professeur Gallibert, éminent généticien, et son équipe (unité de recombinaison génétique :UPR41) nous ont fait l’amitié de répondre à nos questions par le document suivant qui nous permettra de tenir informés nos clients et correspondants de l’état actuel de la recherche en matière de tares héréditaires et de validité de tests proposés.

Qu’est ce qu’un diagnostique génétique ?

C’est un test qui permet d’identifier, chez un animal, soit l’altération d’un gène donné, responsable de la maladie génétique, soit un marqueur génétique suffisamment proche du locus morbide pour qu’un allèle particulier de ce marqueur soit systématiquement co-transmis avec la maladie. Ces tests sont basés sur le principe de l’amplification génique in vitro : la PCR.

Pour réaliser ce test, il faut :

1.      Connaître le ou les gène(s) impliqué(s) dans la pathologie recherchée ou, à défaut, la région du chromosome où se trouve le gène morbide.A une pathologie génétique peut correspondre une ou plusieurs mutations d’un ou de plusieurs gènes.

2.      Disposer d’ADN. L’ADN présent dans toutes les cellules nucléées d’un organisme peut être obtenu à partir des globules blancs présents dans le sang ou à partir de cellules de la paroi buccale, présentes dans la salive. C’est pourquoi les tests génétiques nécessitent des prélèvements de sang ou de salive.

A quoi sert un test génétique ?

1.      A confirmer, après un examen clinique approfondi, si une maladie suspectée génétique, car connue comme telle ou à cause de sa fréquence élevée dans une famille ou un élevage, est bien due à l’altération connue d’un gène donné.

2.      A déterminer exactement si un animal est sain (non porteur de l’anomalie, porteur sain (porteur de l’anomalie mais non malade), ou malade (porteur de l’anomalie atteint).

3.      A effectuer un diagnostic précoce sur des chiots avant même que les premiers symptômes n’apparaissent dans les cas de pathologies dont la déclaration est tardive (cas de certaines atrophies rétiniennes).

4.      A définir les stratégies de croisement à mettre en œuvre dans les élevages.

Etat des recherches et mise au point de tests génétiques de diagnostic :

Compte tenu des connaissances récentes sur le génome du chien, le nombre de gènes identifiés est encore très petit (300 gènes) alors que chez l’homme on en dénombre près de 30 000.

De plus, bien qu’un grand nombre de maladies génétiques affectant le chien soit recensé (plus de 360 en 1999), très peu sont connues au niveau moléculaire, c'est-à-dire que l’altération du gène (mutation) responsable de cette maladie est inconnu.

En effet, les affections héréditaires pour lesquelles les mutations sont connues sont de l’ordre d’une vingtaine et ne bénéficient pas toujours de test permettant leur diagnostic.

Par exemple l’atrophie rétinienne chez le setter irlandais « rcd1 » a été décrite par Aguirre et coll. en 1975, le défaut biochimique a été mis en évidence par la même équipe en 1978 ; le gène responsable et la mutation ont été identifiés par Suber et coll. en 1983 et ce n’est qu’après que Clément et coll en Angleterre (1993) et Ray et coll aux USA (1994) qu’un test génétique a été mis au point. Les recherches aboutissant à l’identification d’un gène responsable d’une pathologie et à la mise en place de test de diagnostic sont extrêmement longues même si, à l’heure actuelle l’identification des gènes est grandement accélérée par l’existence de cartes du génome canin.

Quelles sont les affections héréditaires pour lesquelles il existe des tests génétiques et quelles sont les races qui peuvent en bénéficier ?

Quels sont les différents types de tests génétiques ?

Il faut distinguer les cas où, pour une pathologie donnée :

1.      Le gène impliqué n’est pas encore identifié, mais grâce à la construction de cartes du génome canin, une région génomique (un locus) situé à proximité du gène morbide a pu être identifiée. C’est le cas par exemple de « prcd » chez le cocker anglais, cocker américain, cheesepeake, labrador, caniche nain et chien d’eau portugais sur le chromosome 9 canin (région équivalente au chromosome 17 humain, locus RP17), X1pra chez le husky sur le chromosome X canin (région correspondant au chromosome 3 humain, locus RP3), ERD chez le norvegian elkhound, nouveau locus canin (région correspondant au chromosome 12 humain),  cooper toxicosis chez le bedlington terrier, sur le chromosome 10 canin (correspondant au chromosome 2 humain).

Dans ces cas les tests génétiques sont basés sur l’analyse de liaison génétique (liaison physique sur le chromosome) entre un marqueur génétique (dont on connaît les allèles) et le gène (encore inconnu) impliqué dans la pathologie. Ce type de test, très utile, bien que non fiable à 100 %, est basé sur la distance physique séparant le marqueur du gène en question. Cette distance, mesurée lors du test, peut être sujette à variation en fonction du sexe ou de la race du chien testé.

Ainsi, plus le marqueur génétique est situé à proximité du gène en question plus le test sera fiable ; en revanche, plus le marqueur sera éloigné du gène moins le test sera fiable.

Ce problème rencontré avec ce genre de test est donc l’existence de faux négatifs.

2.      Le gène et la mutation responsable ont été identifiés. C’est le cas, par exemple de « rcd3 » chez le cardigan welsh corgi, « csnb » chez le briard, myopathie chez le labrador, canine leucocyte adhesion deficiency chez le setter irlandais (mutation non-sens dans le gène de l’intégrine B2 (ITGB2), cystinurie chez le Newfoundland (mutation ponctuelle dans le gène SLC3A1).

Dans ces cas, les tests génétiques sont basés sur la détection directe de l’altération du gène en question. Il existe différents types de mutations (changement d’une base, délétion de 1 ou plusieurs bases ou insertion de 1 ou de plusieurs bases) et, en fonction, différents tests, tous basés sur l’utilisation de la technique de PCR, peuvent être dérivés.

Par qui sont proposés ces tests génétiques ?

Il existe, à ce jour et à notre connaissance, quatre laboratoires dans le monde proposant ces tests ; ce nombre va croître très rapidement, augmentant ainsi le choix mais aussi la confusion.

Quelles sont les limites de ces tests génétiques ?

Les publications rapportant la mise au point de ces tests génétiques chez le chien sont, pour la plupart, très récentes et le dépistage de maladies génétiques dans la race canine en est à ses débuts. Dans ce contexte, il convient d’être extrêmement prudent quant à l’utilisation et interprétation de ces tests.

1.      il est, bien sûr, indispensable d’avoir l’avis du vétérinaire qui suit le chien ou l’élevage ; il connaît l’animal et doit avant tout poser in diagnostic clinique le plus précis possible. Le test génétique ne peut et ne doit pas être un moyen de diagnostic à lui tout seul.

2.      s’il le juge utile, le vétérinaire peut proposer un test de dépistage et, surtout, choisir le meilleur test existant sur le marché.

3.      en fonction du test effectué, le vétérinaire aidera alors à l’interprétation du résultat du test (sans ambiguïté ou résultat contraire à ce que l’examen clinique prévoyait) et conseiller l’éleveur sur la conduite à tenir pour la production de ce chien ou le devenir des chiots.

Par ailleurs la fiabilité des tests effectués dépend de plusieurs paramètres précédemment décrits :

 

1.      le type de test utilisé : liaison génétique ou dépistage direct de la mutation.

2.      le type de prélèvement utilisé : la source d’ADN la plus fiable est le prélèvement sanguin ; le prélèvement buccal, bien que plus facile à mettre en œuvre peut être source de contamination (prélèvement effectué en conditions non aseptiques : sources multiples d’ADN)

3.      le laboratoire dans lequel sont effectués les tests (réactifs et matériels utilisés).

4.      le type de pathologie recherchée et la race, variété ou famille dans laquelle la maladie est recherchée.

En général, une maladie génétique sévissant dans plusieurs familles d’une race donnée est causée par une altération génétique identique pour tous les chiens de cette race. Ceci est le résultat d’un effet fondateur (la mutation à l’origine de la maladie est apparue lors de la création de la race et s’est disséminée au cours des générations, jusqu’à nos jours, au sein de cette race).

Par exemple, tous les golden retrievers atteints de myopathie dystrophique sont porteurs de la même altération génétique. Le gène en cause est bien connu ; il s’agit, comme chez l’homme, du gène de la dystrophine qui est localisé sur le chromosome A. Un test de détection de la mutation est disponible pour cette pathologie et pour cette race.

Pour la surcharge en cuivre (cooper toxicosis) chez le bedlington terrier, un test de liaison génétique (chromosome 10 canin) permet de discriminer les animaux sains des atteints en attendant de découvrir le gène et la mutation responsable de cette pathologie.

C’est aussi le cas de la race cardigan welsh corgi, atteinte d’une forme d’atrophie rétinienne (rcd3-rod/cone dysplasia) où la mutation est une délétion de 1 base dans le gène PDE6A (sous unité alpha de la photodiestérase). En effet, chez les cardigan welsh corgis de nationalité américaine, anglaise, néozélandaise, néerlandaise et allemande, l’analyse de pedigrees montre l’existence d’un ancêtre commun (un champion des années 1950 en Grande Bretagne). Un effet fondateur serait donc à l’origine de cette maladie. C’est le cas de l’atrophie rétinienne qui atteint le setter anglais aux USA et en Europe. La mutation au codon 807 du gène PDE6B (sous unité bêta de la phospho-diestérase ) identifiée chez le setter irlandais n’a été retrouvée dans aucune autre des 23 races atteintes de dysplasie rétinienne cliniquement similaire à celle du setter irlandais.

Dans ce dernier cas le test génétique proposé est fiable à 100 % sur tous les setters irlandais.

En revanche, ce n’est pas le cas pour d’autres affections héréditaires au sein d’une race.

Parfois une maladie ne touche qu’une ou plusieurs lignées au sein d’une race donnée (dès l’instant où ces lignées ont été isolées les unes des autres ; par exemple lignée américaine et lignée européenne). Pour certaines races, il existe un « effet fondateur » différent aux USA et en Europe. Ce phénomène est alors le résultat d’une mutation récente, postérieure à la fondation de la race et apparue dans une seule lignée de la race en question. C’est le cas de la dysplasie du coude chez le labrador.

C’est peut-être aussi le cas de l’atrophie rétinienne non progressive « csnb » chez le briard (congénital stationary night blindness) pour laquelle un test génétique récemment mis au point est 100 % efficace aux USA alors que ce test ne permet pas de mettre en évidence les briards français (donc de lignées différentes) connus pour être atteints. Ce dernier exemple montre avec quelle prudence il faut se lancer dans l’exécution d’un test génétique ainsi que dans son interprétation.

Il est également des cas opposés où l’effet fondateur (la mutation responsable) d’une pathologie est tellement ancien que plusieurs races, ayant toutes un ancêtre commun, sont touchées par cette pathologie et, plus remarquable encore, le gène atteint et sa mutation sont exactement les mêmes dans ces races en question. Parfois, certaines races se ressemblent tellement que le terme de variété serait plus approprié pour les nommer. Par exemple le west highland white terrier et le cairn terrier, deux races originaires d’Ecosse qui n’ont de différent que la couleur de leur robe. Or, la même mutation impliquée dans la maladie de Krabbe est retrouvée dans les deux races suggérant ainsi que la mutation soit apparue avant la radiation de ces deux races canines. De la même façon, la mutation responsable de la déficience en pyruvate kinase, est identique chez les cockers américains et les cockers anglais ; or, on sait que le cocker américain est une dérive du cocker anglais. Ce pourrait être également le cas d’une des pathologies de dégénérescence des photorécepteurs « prcd » pour lequel le même locus a été identifié dans six races différentes (cocker anglais, cocker américain, cheesepeake, labrador, caniche nain et chien d’eau portugais).

Une autre possibilité envisagée a été décrite très récemment : pour une pathologie donnée, les mutations retrouvées dans les gènes à l’origine de cette maladie sont différentes selon les races étudiée.

C’est le cas de la narcolepsie (trouble neurologique affectant le sommeil) dont le gène affecté code pour le récepteur de l’hypocrétine (Hctcr2). La mutation détectée dans le gène du doberman pincher est causée par l’insertion d’un élément répété dans l’exon 4 du gène alors que celle détectée chez le labrador est un changement de base dans l’exon 6 de ces même gènes.

Conseil aux éleveurs

Le test génétique n’est qu’un test complémentaire a tous les examens cliniques existant déjà et doit être envisagé avec le vétérinaire dans le but de confirmer ou d’infirmer un diagnostic.

Pour les pathologies liées au chromosome X, il est conseillé de garder les mâles et de les croiser avec des femelles saines, puis d’éliminer les femelles porteuses de la maladie dans la descendance.

Pour les pathologies autosomales récessives, il est conseillé de croiser les chiens atteints et porteurs avec des chiens sains de façon à ne pas restreindre la variabilité allélique dans la race, mais plutôt d’éliminer graduellement les traits indésirables.

Les pathologies décrites précédemment sont toutes mono géniques : un seul gène atteint est responsable de la maladie. Elles sont : soit autosomales, c'est-à-dire que le gène impliqué est situé sur un chromosome différent du chromosome sexuel (chromosome 1 à 38) soit  récessives c'est-à-dire liées au chromosome sexuel X (XLPRA). Ce sont les cas les plus simples !!!

En effet de nombreuses maladies génétiques sont multi géniques, c'est-à-dire que plusieurs gènes affectés sont responsables de la maladie.

D’autres pathologies sont dites multifactorielles, c'est-à-dire qu’à la fois les gènes et l’environnement (dans des proportions variables) sont responsables de l’apparition de la maladie.

Quant au mode de transmission, le plus souvent récessif (il faut que la mutation du gène soit présente à l’état homozygote pour que l’individu soit malade) il peut également être dominant (c'est-à-dire qu’un seul exemplaire du gène muté suffit pour que la maladie se déclare).

Enfin, un autre facteur peut entrer en jeu : il s’agit de la pénétrance, c’est-à-dire l’expressivité de la maladie, qui peut être complète ou incomplète.

Ainsi, alors que l’analyse des pedigrees pourrait suggérer une maladie récessive il pourrait s’agir, en fait, d’une maladie dominante à pénétrance incomplète.