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A propos du mot « apsoo »
Par Pierre Menesplier Lagrange
On a souvent décrit le « poil de chèvre »de nos chiens tibétains, mais en réalité, la référence à la chèvre va beaucoup plus loin et elle est beaucoup plus ancienne qu’une simple comparaison canine. Le caprin est un symbole général dans ces contrées.
Dans le Wakhan afghan, il y a encore peu de temps, le « Marco Polo » (sorte de gazelle des hautes altitudes) était l’objet de chasses organisées par le gouvernement et un exemplaire naturalisé trônait dans l’aéroport de Kabul.
En Afghanistan, de nombreuses stèles très anciennes représentent une chèvre et l’on sait que la chèvre avait été domestiquée bien avant le yak.
Au Tibet, avant la religion de Bön, la chèvre avait fait l’objet d’un culte animiste. Elle était censée protéger les troupeaux et même les humains.
Aujourd’hui, en dehors de toute considération religieuse, il existe une coutume qui consiste à enterrer les cornes d’une chèvre lors de la fondation d’une maison.
Enfin, la capitale du Tibet, « Lha- Sa » (terre des Dieux), s’appelait anciennement « Ra-Sa » (terre des chèvres) et l’on doit à l’érection du Potala ce changement de nom. L’histoire de la chèvre n’a pas été pour autant éliminée au Tibet. Ainsi l’histoire du Jokhang, la « cathédrale » de Lhassa, est intimement liée aux chèvres. La légende veut que l’on ait eu beaucoup de mal à construire le « Jo », que chaque nuit s’écroulait le travail fait dans la journée. L’explication scientifique en est qu’une source très abondante, reste d’un lac préhistorique, se trouvait en dessous de ce lieu et occasionnait des éboulements de terrain. Un jour, après une prière mystérieuse d’un très vieil homme, la source, dans un grondement souterrain terrifiant, s’est retirée, allant former au loin le grand lac Koukounor.
Alors, on a pu mener à bien la construction du Jokhang et du trou qui se trouvait à la place de la source s’est échappé un troupeau de chèvre, dont une s’est figée en une statue qui se trouve en face du Jokhang. L’on chuchote dans le pays que, lorsque cette statue s’animera, le Tibet sera libre.
On peut toujours demander, à l’intérieur du « Jo », à voir le trou de la source et si l’, le Tibet sera libre.
On peut toujours demander, à l’intérieur du « Jo », à voir le trou de la source et si l’on vous soulève une pierre, on entend toujours un grondement…
Mais, l’importance du mot « apsoo » ne s’arrête pas là ; il donne lieu à une drôle de rencontre philosophique Ainsi, si vous allez dans les Emirats ou en Irak, le mot « apsou » est très connu aussi, mais a une toute autre signification. Apsou (prononcez absou) désigne l’eau douce qui est sous l’eau salée et il y a là une référence à la légende du déluge. Le préfixe « ab » signifiant eau en arabe, « ab-djo » veut dire bière, et « su » (prononcez sou » est le mot turc pour eau. Cette même racine « ab » a donné en français le mot « abysse » qui est donc, par extension d’origine franco-sumérienne !
Nos chèvres tibétaines n’ont-elles pas apparu des abysses situés sous le « Jokhang » ? Elles sont ainsi deux fois « apsou » !