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HISTORIQUE DES CHIENS DU TIBET AU TIBET
Ou introduction à une ethnozootechnie des chiens tibétains
(thèse ouvrant la voie au cours de l’école vétérinaire de Maison Alfort, puis aux assessorats et enfin aux stages qui ont abouti à sa qualification comme juge des chiens du Tibet de Pierre Menesplier Lagrange)
Un historique des chiens d’une région mène évidemment in fine à une classification ; mais afin de ne pas tomber dans le piège de Buffon, dont on a pu dire avec raison : « Histoire naturelle ?... pas si naturelle que ça ! », nous poserons, au départ, au moins cinq questions précises, qui semblent bien cerner le problème : où, quand, comment qui, pourquoi ?
Ce panorama d’interrogations permettra une synérèse fructueuse, alors même que certaines questions nous en feront apercevoir d’autres, sous-jacentes, comme dans un palimpseste.
Nous verrons, de plus, que nos cinq questions ne vont pas en ordre dispersé, mais forment « une famille », dont il sera aisé de trouver le dénominateur commun, donc le nom, lorsque nous y aurons répondu.
Première démarche : il nous faut classer ces questions afin d’avoir un fil conducteur. Il semble logique de se penchez d’abord sur le « pourquoi » et le « comment », puisque sans cela le reste n’aurait pas lieu d’être.
La même réflexion nous amènera à sérier la suite dans l’ordre : « quand », « où », « qui » ; tout en nous rendant compte immédiatement des interpénétrations qui vont se produire. Il serait impossible, par exemple, d’expliquer une partie du « comment » sans élucider par le suite le « quand » et le « où ».
En fait, la question du « comment », simple en apparence, est le type même de la synecdoque qui nous obligera à entamer légèrement une question une question avant d’avoir fini de répondre à la précédente.
Pourquoi
Au premier abord, cette question d’intention semble appeler une réponse sur un plan philosophique, dépassant notre sujet (hasard ou nécessité !).
Cependant il est à remarquer que l’on a pu répondre à ce « pourquoi » d’une manière très matérielle, dans le cas du yak du Tibet : il est la condition nécessaire et prouvée suffisante, depuis six mille ans, à la possibilité de peuplement des régions de très haute altitude. Cela n’est pas seulement la « civilisation du Yak », mais le peuplement grâce au yak. On peut donc imaginer, à juste titre, il y a six mille cinq cents ans, un Tibet sans population mais ou gambadaient, de concert, des yaks et des chiens (indéterminés mais déjà différents) et sue ce sont ces chiens qui, par la suite, ont aidé à apprivoiser le yak indispensable.
Le chien aurait donc été le maillon obligé et adapté à la survie du nouvel arrivant (sinon, à 6500 mètres d’altitude ne survivent que des araignées). Ce fait répondrait alors, en partie, à notre question.
Comment
Toujours méfiants, nous ne partirons pas du « canis familiaris », qui est un chien « vu de l’esprit » et satisfaisant… méthodologiquement ! Si nous laissons ouverte, du moins pour les chiens du Tibet, la querelle monomorphisme/polymorphisme de départ, nous verrons cependant que le « créationnisme » a eu peu de prise dans ce cas ; ceci sans prétendre à une phylogénèse absolument transcendante. Malgré tout, ceci est très important, car dans nos pays à un polymorphisme d’îlot un polymorphisme conceptuel ou de dirigisme, qui est un appauvrissement de la notion de régionalisme, voire un mépris complet à son égard. Alors, de grâce, soyons respectueux de la morphologie ! Surtout qu’il nous apparaît que si le Tibet est un cas unique pour la variété ancienne de ses chiens (un pays « souche »), cela est lié au fait qu’il est aussi un cas unique de point de vue géographique, géologique et sismologique, tout cela pour une seule raison : la dérive d’une fraction du Gondwana et son affrontement avec le continent Asie-Laurasia il y a quarante cinq millions d’années, ce qui donne à ce pays un profil d’altitudes inégalées et une configuration unique.
Donc, à défaut d’un chien unique (canis familiaris), l’on peut trouver une cause unique, entraînant, au contraire, de jure, une grande diversité canine. Ce n’est pas, par exemple, la plaine Indo-Gangétique, avec sa faible variété bio topique, qui aurait eu cette chance. Pour ce faire, il faut évidemment admettre l’adaptation, peut-être lente mais inéluctable, aux écosystèmes.
On a cependant la preuve à contrario par l’inadéquation : ainsi, les dogues du Tibet en Hollande (on ne peut trouver plus bas !) semblent facilement diminuer de 10 cm sur trois générations humaines.
On a ainsi la différence affichée par le Comte de Byllant qui affirme 85 cm même plus et le standard anglais qui spécifie jusqu’à… 69 cm ! On voit alors aisément les conséquences de la structure du Tibet, qui va de la plaine jusqu’au plus hauts pics.
Arrivée à ce point, la diversité naturelle admise, l’interfécondité d’une même espèce pose un problème.Tous les départs des souches auraient pu se fondre et retendre vers une même expression en un genre de mouvement entropique, puisque l’entropie n’est autre que la « probabilité d’un état » (exactement son logarithme népérien). Mais justement, au Tibet, l’extrême, et même le paroxysme des diversités, ont joué le rôle de sauvegarde. La protection est venue de ce que les géographes appellent des « bassins fermés » ou des « dorsales sans pénétrante ». Ainsi avons-nous déjà effleuré des réponses aux questions « pourquoi » et « comment », réponses qui d’ailleurs pourraient s’élargir et quitter notoirement le domaine des canidés et s’appliquer aux herbacés, par exemple. Ainsi a-t-on vu, dans des temps peu anciens, l’introduction de la pomme de terre peupler des vallées perdues (au Tibet et au Népal) !
Il nous faut, à ce stade, optimiser notre enquête en répondant à :
Quand
En abordant ce domaine, il me semble impossible de passer sous silence un regret, le plus grand crime sans doute commis contre la mémoire de toute l’humanité : la destruction de la bibliothèque ptolémaïque d’Alexandrie.
Malgré cet appauvrissement, certainement considérable, nous avons d’autres sources très lointaines comme la Chine, l’Egypte, Sumer, Alexandre lui-même, Hérodote, Strabon et jusqu’à Gabet et Huc en 1846.
Nous savons donc qu’en Chine en 3468 avant notre ère, du temps du roi Fo-Hi, il y avait des chiens en provenance du Tibet qui devaient être assez gros, puisque servant de nourriture.
Il nous est relaté que l’empereur Tai-Kang utilisait des chiens de chasse tibétains en 2180 avant JC.
De plus les chiens que les Anglais ont appelés « mastiffs » étaient connus des Chinois en 1121 avant JC.
Il existait donc au Tibet des races diverses il y a cinq mille cinq cents ans comme nous l’avions supposé tout d’abord (à la réserve près : ce qu’il faut entendre par Tibet à cette époque reculée). Ce sont nos chiens de « base », mais peut-être existaient-ils d’une manière plus ou moins erratique. Il est évidemment très difficile de fixer le moment où finit l’erratisme pour devenir la « race ».
Sans doute, antérieurement, aurions-nous pu trouver certains de nos chiens de « base », bien « typés » ; mais se manifestaient-ils ainsi d’une manière permanente en lignée ? Or c’est ainsi que nous caractérisons la fin de l’erratisme ; simple phénotype dans l’autre cas.
Malheureusement, toujours pour répondre à notre « quand » nous pouvons fixer une limite de fin bien précise au Tibet même (du moins dans sa plus grande partie) c’est 1950.
Il ne s’agit pas là évidemment d’un fait géologique ni climatique… mais politique.
En effet, en dehors de tout état d’esprit de l’occupant chinois, considérant le chien comme une nourriture ou bien comme un luxe à tendance sociale, l’armée chinoise a sillonné le pays de routes qui entraînent le désenclavement provincial et un brassage. Ce brassage, jamais connu auparavant, fut très préjudiciable dans un pays où l’isolement était la principale cause de pureté des races.
Nous risquons donc, ce que nous avons déjà vu se former au Tibet, un pseudo morphisme très net à Lhassa même (1980).
Ainsi, si en répondant à « comment » nous avons fait de la cyno dynamie sans le dire (étude des effets), je crois malheureusement qu’en répondant à « quand », nous pouvons clore le livre de la cyno cinétique : étude du devenir.
Mais pour répondre sérieusement à la question « quand », pour peaufiner notre réponse entre les extrêmes déjà déterminés, de 4000 avant JC à 1950, il nous faut maintenant parler de la notion d’ « axe de peuplement » du Tibet et même l’élargir au nord du pays.
L’axe de peuplement principal du Tibet a été en effet l’Est puis le Nord.
Ceci est aisément perceptible quand on observe que le Tibet est fermé au sud par les Himalayas, à l’ouest par le Karakorum suivi des monts du Ladakh et au nord par le Kunlun prolongé par les Amnyi Machen.
Quand on sait que les axes de peuplement premiers, comme l’éclair, suivent toujours les voies de moindre résistance, il ne reste plus guère que le « corridor du Gansu ».
Ceci nous amène donc tout naturellement à repartir dans le passé et à répondre à la question :
Où
Pour l’époque la plus ancienne, cela nous entraîne à une très intéressante constatation : au nord, il n’existait évidemment pas encore le Turkestan ni la Mongolie, puisqu’il n’y avait pas encore de Turcs ni de Mongols.
Le continent, alors appelé « Serinde », était peuplé de Finno-Ougriens, genre Esquimaux ou Lapons que l’on appelait alors Samoyèdes.
Donc, les premiers chiens de peuplement du Tibet ont dû être des chiens nordiques ou « Samoyèdes » !
Petite parenthèse : puisque ces Samoyèdes, humains et canidés, habitaient ce qui est devenu par la suite l’ancienne Mongolie, capitale Ourga (aujourd’hui Oulan-Bator) il est très logique que les chow-chow de Mongolie soient classé avec les Samoyèdes.
Deuxième constatation, l’autre axe de peuplement principal étant l’Est il s’agit alors de la Birmanie et du Siam.
Siamois et Birmans sont plutôt des noms de chats… (à l’époque la Birmanie s’appelait « pays de Mien »).
L’histoire fait venir les chiens tibétains de « Fou-Lin ».
Quand on sait que les Tibétains appelaient « l’ancien U » c'est-à-dire l’ancien centre : Gilgit , que l’on affirme que ces chiens viendraient du Caucase, que ce qui était appelé Les Caucases ou Paramonides (anciennement le Pamir) on peut situer Fou-Lin dans le nord est tibétain qui enveloppait : Houmi, Petit Poulou et Grand Poulou (aujourd’hui : Wakhan, Gilgit et Baltistan).
Comme par hasard, le premier terrier du Tibet du Dr Greig venait du Baltistan.
En l’an 700, les Tibétains T’Ou Fan essayeront d’ailleurs de reprendre ce Fou Lin.
Comme nous le voyons, il ne faut pas entendre par Tibet ce qui est limité par des frontières. Dans l’esprit tibétain il existe un « grand Tibet » qui dépasse largement le cadre que nous lui donnons habituellement. Cette idée trouve sa justification par le royaume tibétain fondé au Chensi en 350 par P’Ou Hong, royaume appelé Ts’Ien Ts’In ; également par le royaume tibétain Tangout fondé dans l’Ordos au XIIème siècle.
Il existe également un autre axe de peuplement tibétain au Yunnan, il y aura d’ailleurs un « retour » et les Tib2tains « Lolos » y formeront au VIIIème et jusqu’en 1253 un royaume appelé : Nan Tchao ou Tali.
Inversement, les Kho Chots occuperont le Tsaidam tibétain au XVIIème siècle.
Les frontières sont donc élastiques !... Mais ceci nous permet de dire qu’un chien pamirien, comme un chien yunnanais sont des chiens tibétains.
Cependant, avec moins de recherche, il y a un chien qui est considéré comme « ancêtre » au Tibet : le « happa » et dont le nom répond gracieusement à la question « où ».
En effet, ce nom nous donne directement son origine « Ha » venant de « Hu », qui veut dire Turk et Pa qui décrit les gens, les animaux, les choses. (J’écris Turk avec un cas pour faire la différence avec les Turcs. Les Turks ont donné les Turkmène, non Ottomans, non Osmanlis).
Ce happa vient donc originairement de l’extrême nord du Tibet et prouve ce que nous avons déjà avancé : qu’il ne s’agit pas ici d’un « endogamie canine » totale.
Il est même vraisemblable que, pareillement, nous avons eu des chiens mongols… et même plus lointains, comme nous le verrons, des chiens sumériens.
Avançons encore dans le temps et supposons ces chiens installés au Tibet proprement dit, ceci nous incite à les classer.
Les lois de l’influence nous donnent tout de suite le schéma le plus plausible : une classification par taille, taille régit elle-même par l’altitude, qui nous donne le groupe le plus nombreux.
Ce groupe n’étonnera pas, dans ce cas précis, qu’il soit le groupe des chiens à poils longs et même à hypertrichose.
Cependant, cependant comme il y a tout de même un peu de créationnisme, avant de dresser ce tableau, il nous faut répondre à notre dernière question :
Qui
La réponse sera forcément différente : à l’époque du peuplement (4000 ans avant JC), à l’époque de la « religion naturelle », à l’époque de la religion Bön (jusqu’au VIIIème siècle), à l’époque de la religion lamaïque, peut-être à l’époque du « khanat du Tibet » (XVIIIème siècle) et enfin , hélas, de nos jours. Cela pourrait même être le plan d’un ouvrage à faire : « l’évolution de la relation homme/chien selon les trois religions tibétaines »..
On sait, par exemple, que dans les représentations de la religion Bön, des chiens précédent toujours les divinités terrestres (Klu, dMu…) ainsi que le démon bTsan sur son cheval. Ce dernier est toujours représenté précédé de chiens ressemblant à des caniches mais avec une queue enroulée sur le dos. Nous pouvons quand même en conclure qu’au VIème siècle il y avait des « caniches tibétains » et qu’ils avaient un sens religieux, même si celui-ci reste, pour nous, amphibologique.
Mais, pour demeurer ordonnés, attaquons-nous d’abord à la première époque.
A ce moment là, tout est possible ; n’a-t-on pas retrouvé, en Egypte, des tombes dont le nom des occupants a une consonance asiatique ; ceci dans la nécropole des chats (tombes datant de la 18ème dynastie).
Quant on sait l’importance des animaux, par exemple dans la représentation d’Osiris, pourquoi, s’il y a eu translation humaine n’y aurait-il pas eu translation canine ?
Pour l’Assyrie (nous ne devons pas oublier la première dynastie mésopotamienne, la dynastie d’Our qui date de 2850) nous possédons un document avec un chien « le crâne en pain de sucre » représenté aussi gros que le poulain qu’il poursuit. Monsieur Layard dit qu’il serait tibétain, nous verrons lequel ce pourrait être et s’il y en eu plusieurs.
En effet, une frise du palais de Nabuchodonosor à Babylone nous le suggère également. De plus nous avons l’histoire linguistique du Pou-Li.
N’oublions pas non plus que l’histoire dynastique chinoise a débuté vers 3000 ans avant JC avec le roi Hoang Ti (2700).
Vers ces époques reculées nous avons vu les Lapons au portes nord du Tibet. Or les Scytes correspondaient avec les Cimmériens qui, eux-mêmes correspondaient …
A l’intérieur du Tibet proprement dit, nous avons vu des Thais qui deviendront, plus tard, des Lolos. Il y eu les Is, spécialistes du tir à l’arc avec des silex taillés qui sont devenus des Khambas, des Dzoungariens devenus les Soyotes, les Cirates ou Kalmouks de l’Amdo devenus des Kochots. Ce sont eux qui ont institué le Khanat après avoir défait le « de-Srid » ou prince de gTsang ayant d’ailleurs été comme une « montagne supplémentaire » pour bien cloisonner les races de chiens.
Nous Avons, de plus, les Gologs ou Ngoloks divisés en Busang Ngolok et Adzangur Ngolok, les tribus Lhardi du fameux passage de Kansou, des négroïdes comme les Sokwoarik, les Sarigues, les Hors… ces ethnies, suivant les époques, ont évolué en changeant de nom.
Donc un récit, aussi scrupuleux soit-il, de Nicolo Polo et de son frère Maffeo (accompagnés de Marco, fils de Nicolo) n’est qu’un instantané.
Il serait aisé de décrire un Tibet négroïde avec les Adivasis et ceux qui sont, vraisemblablement, les plus aborigènes, dans le sud, les Meuns… chaque ethnie ayant eu, bien sur, son ou ses chiens. Pour les régions cachemiriennes du Tibet il y eut les Megh et les Dum, sans oublier les K’iang de l’Est (proto Birman).
Après avoir envisagé le nord, sur, est et ouest, nous pouvons affirmer que le premier roi du Tibet, gNya-Khribtsanpo, a connu les dogues du Tibet et que pour l’époque bönique, le roi Namthri et la puissante famille Gar, ont possédé des épagneul tibétains. On sait que le berceau de la religion bön a été le Tibet occidental, exactement les hauts plateaux du Zhang Zhung (le mot Chan-man étant tongous) ce qui nous donnerait l’origine du caniche tibétains. Il ne faut pas oublier les Lepchas du Sikkim, fortement mongoloïdes, le Sikkim s’étendant originairement jusqu’au Phari au Tibet, donnant ainsi une origine mongole aux épagneuls.
A partie de l’ouverture de la route de la soie, les caravanes passaient au nord du Tibet avec un point d’échange non loin de Balkh en Afghanistan (à Tach Gourgan : la « tour de pierre ») ; des chiens n’y auraient-ils pas été échangés ?
Il faut avouer que c’est le point où l’on peut le moins bien répondre et que la théorie du « sens unique », si elle est valable pour les chiens précieux (offrande), l’est moins pour les molosses. D’autant que l’on sait que les populations nomades ont toujours eu des « chiens de tente » pour la garde et contre les loups.
Il existe non loin de là, un dogue afghan à qui l’on coupe les oreilles pour éviter la prise des loups, qui ressemble étrangement à un dogue du Tibet.
En conclusion, s’il est facile, en prenant un siècle donné, par exemple le VIIème, d’attribuer les épagneuls à la noblesse civile du Tarlung, les « seng kyi » (kyé) à la noblesse de Lhassa, les terriers au gTsang, donc ayant appartenu vraisemblablement à une ethnie Dard et bien sur le chien de « deSrid »(prince), les dogues aux caravaniers du « Chang-Tang » (plaine du nord). Ce n’est qu’une situation donnée et on peut en inférer que tous les « germes » de toutes les races se situent dans ces environs.
Cela est également vrai pour tous les pays comme Babylone, car en tibétain « Pou » veut dire poilu, « Li » alliage, croisement. Il semblerait donc que la Pouli soit babylono-tibétain et voudrait dire : croisement de chiens poilus.
Arrivé à ce stade, sans vouloir établir une lexicographie qui dépasserait le propos et en laissant de côté la « Sumtak » (grammaire tibétaine fondamentale), il faut bien dire que les Anglais ont occulté le problème plus qu’ils ne l’ont éclairé.
En fait nous pouvons affirmer que le Tibétain de 1800 ignorait qu’il était Tibétain.
Pour lui son pays s’écrivait Tod Bod et se prononçait Teu Peu. Ce Tibétain était lui-même un Bd Pa prononcez Peu Pa. On voit très facilement la déformation Tod Bod devenu Tibet. Pour lui, en tout cas c’était bien normal : il était anciennement de religion Bön (prononcez Peun) et qu’une des plus anciennes ethnies et la plus aborigène s’appelait Meune. Nous trouvons là une logique ethnico religieuse.
Certes il n’ignorait pas que son voisin Chinois le nommait « Shih » (Xi) puisque son Dalaï Lama se nommait de même « Ti Shih » c'est-à-dire : Tuteur des Shihs.
Le Tibétain rendait d’ailleurs la pareille à son voisin Chinois puisqu’il l’appelait « Giamis » et l’Indochine « Giam Med » (Chine basse).
Ce « gia » vient du mongol, le mot désignant les Chinois étant « Nan Kia », ce qui veut dire « gens du midi ». A l’opposé, il y avait une Chine du Nord ou « Cathay », ce qui vient de la peuplade K’Itan ou Kital, maître de Pekin au XIème siècle.
Ajoutons que la langue tibétaine s’appelle tout naturellement Bd Ke, prononcez Peu Ke, et qu’il est très logique que nous privilégions le Peuke pour nommer les chiens contrairement aux appellations fantaisistes des Anglais, même si ….
D’ailleurs, aujourd’hui, à l’occultation anglaise à succédé l’occultation chinoise. Il n’existe plus de Peupa et de Giamis mais plus subtilement des Peurig et Giarig, race tibétaine et race chinoise comme ethnies d’un même pays.
Même le poids des denrées est en gyama (une livre environ), les anciens tois s’appellent désormais « Lonpou » … ministres.
Quant à l’histoire elle est désormais appelée Gyalrab : histoire de la Chine ; Le reste n’est que « Logyu » : légendes.
Décidément le Tibet aura toujours du mal à être lui-même.
C’est pourquoi d’ailleurs, pour étudier complètement l’histoire humaine, comme l’histoire canine tibétaine, il nous faudrait nous référer aux régions périphériques les plus protégées : le Mustang (royaume de Lho au sud) et le Bhoutan, mais encore à des tribus, comme celles qui dans les « principautés Shan » (Birmanie) parlent le chinois « shih shih » et même les Tibeto-Mongols Garos et Khasis du Bangladesh. Puisque ce sont des tribus, il n’y a pas d’exogamie, cela s’étend aux « us et coutumes » et nous avons à faire à un conservatoire.
En survolant l’ensemble, nous y voyons une convergence, qui nous donne le nom de famille de l’ensemble des points : c’est de ethnozootechnie, comme il est dit dans le sous-titre, et plus précisément une branche de cette science : l’ethnocynotechnie.
Il nous est donc permis maintenant de commencer à dresser notre tableau et plus particulièrement celui des Ra’Psoo (ra : chèvre, psoo : poilu) donc des chiens poilus comme des chèvres.
En tout premier, le plus grand des chiens tibétains à poils longs :
1- Le DHO-KHYI RA’PSOO
Ce chien est justement celui des quiproquos. Il s’agit d’un molosse par sa taille, c’est même le plus grand de tous les molossoïdes, il n’est ni dogue ni mastiff mais ressemble à un immense komondor. Il n’a ni la lippe dogue ni les bajoues. Au point de vue caractère, il est tout l’opposé des chiens de combat. Sa caractéristique serait la lenteur de son allure. C’est pourquoi les Anglais, par un quiproquo linguistique mais qui tombait juste, l’avaient surnommé « chien fatigué » (tired dog), alors que son nom tibétain signifie « chien attaché » (tied dog). Il était aussi appelé « wooly apsoo ou « apso laineux ». On comprendra aisément la raison de son indolence lorsque l’on saura qu’il est originaire d’une région où se trouve le monastère de Chapoo, situé aux environs de 5000 mètres dent surnommé « chien fatigué » (tired dog), alors que son nom tibétain signifie « chien attaché » (tied dog). Il était aussi appelé « wooly apsoo ou « apso laineux ». On comprendra aisément la raison de son indolence lorsque l’on saura qu’il est originaire d’une région où se trouve le monastère de Chapoo, situé aux environs de 5000 mètres d’altitude. C’est ce que Marco Polo avait vu grand comme un âne. Ces comparaisons n’est pas trop exagérée car les ânes tibétains (kyang) sont de petites tailles. Ce chien cumule les plus : le plus grand des chiens tibétains, le plus ancien et provenance d’une altitude la plus haute.
Le peuple Seri (peuplade Afghane appelée ainsi parce qu’elle faisait le commerce de la soie) en avait offert un à Alexandre le Grand. Totalement inconnu en Occident, un Anglais nommé James L. Wilson en avait cependant possédé un et le célèbre zoo du Kaiser Wilhem (Allemagne) en avait un spécimen.
2- Le RA’PSOO ou TSANG RA’PSOO
Ce chien est connu en Occident sous le nom de « Terrier du Tibet ». Ce nom, donné par les Anglais, est erroné car ce chien n’a rien d’un terrier. Les Tibétains l’appelaient « petite personne » ou encore « grand apsoo » afin de la distinguer de la plus petite variété, appelée ici « Lhassa Apso ». Le terrier du Tibet est en réalité du genre griffon. On considère que la race est fixée depuis environ 2000 ans. Elle comprend, tout comme l’afghan, deux souches principales, une de haute altitude, très grande, et une de souche monastique, plus petite possédant un poil très long et abondant. Les deux souches ont été mélangées ici, en Occident, pour créer le terrier du Tibet actuel.
Une belle légende veut que le terrier du Tibet se soit multiplié dans « une vallée perdue », la célèbre vallée appelée « Shangri-La », qui aurait été bloquée par un tremblement de terre au XIVème siècle et ainsi séparée du monde. C’est une jolie légende mais nous savons que la race serait plutôt originaire de l’ouest du Tibet et qu’il y en a eu au Ladakh, Kashmir et Baltistan.
3- Le RA’PSOO SENG-KYE ABSO
C'est-à-dire littéralement « chien lion au poil de chèvre et à l’aboiement de sentinelle », nommé ici lhassa apso, c'est-à-dire apsoo de la terre des Dieux (Lha=dieu et sa=terre). Il y a environ 800 ans.
C’est cependant un cas un peu spécial car on considère qu’il s’agit d’une œuvre créationniste.
On lui connaît deux variétés dont la plus appréciée était la seule baptisée « seng kye » (taou taou en chinois), l’autre variété étant baptisée « nao taou » (secoue tête par les Chinois). La variété la plus prisée était celle de petite taille.
4- Le SHIH TZU
Il n’est pas baptisé « ra’psoo » malgré ses poils longs, car comme son nom l’indique, il est de classe tibétaine mais à moitié chinois. C’est donc un shih gya kye.
Il est aussi une œuvre créationniste et l’on sait exactement le lieu : le palais de Jehol en Mandchourie et la date de sa création 1590. Il y a donc environ 400 ans. C’est le petit dernier des chiens tibétains.
5- JEMTSE RA’PSOO (épagneul)
Comme le dhokye et le tsang, c’est un chien de « base » qui a donc dû être fixé à peu près à la même époque. Il est de la vallée de Chumbi, donc, contrairement aux précédents qui sont les Ri-Kye (chiens de montagne) c’est un Rong-Kye (vallée), aussi peut-il se permettre d’avoir des poils comme « ciseautés ».
6- URSU RA’PSOO
On pourrait l’appeler le chien chouette, étant donné sa physionomie.
Etant donné sa petitesse, je pencherai pour l’idée qu’il soit le plus récent que le Jemtsé. C’est un chien des provinces orientales du Tibet.
Ainsi peut-on clore la liste des Ra’psoo, qui peut se concrétiser par le tableau ci-dessous.
On verra qu’on peut y considérer une sous-classe : celle des Lags-kye, c'est-à-dire celle des chiens portables.
Ri-Kye
1) Dho-Kye Ra’psoo
Ou chien fatigué
2) Tsang Ra’psoo
Variété haute altitude
Variété altitude moyenne
Ra’psoo (sans autre nom)
Lags-Kye
3) Ra’psoo Seng Kye
du centre : U (dbus)
Nao-Taou en chinoois
Seng-Kye
Taou Taou en chinois
4) Shih Tzu
Commun ou Gia Shih Tzu
(sino tibétain)
Consacré au dieu tutélaire
Erh-Lang ou Shih tzu Pa Erth
Rong Kye
5) Jemtsé
d’origine sud-centre Lho-Kye
de l’est Gar Kye
de l’ouest Ngari
6) Ursu
Provinces orientales du Tibet
Tableau des Ra’psoo – chiens à poils longs
Ce tableau nous amène à dire un mot des variétés d’une même race, cas presque général. Ces variétés peuvent être une dérive de la race ou, un monomorphisme non parvenu à son stade ultime par la cause de conditions régionales légèrement différentes.
Quoi qu’il en soit, étant donné la faible population de la race considérée, il ne saurait être question de jugements à part et d’ailleurs, beaucoup ont subi des interconnexions.
Il faut cependant prendre garde que les variétés ne comportent point que des différences hétérométriques ; ainsi dans le cas du terrier du Tibet, nous avons une forme d’oreilles différente, un port d’oreilles différent, un port de queue différent (torsion), un crâne plus ou moins en dôme…
LES DOGUES
Ce sont en réalité des ZANG KYE (écrit Bzang) ou, en chinois, des Ta T’Ou Kou ou « chiens à grande tête ». En tibétain, Zang signifie excellent. Ces chiens sont connus depuis 1121 avant JC. Il y avait quatre dogues, mais aujourd’hui, il n’en reste plus que trois.
1- GOM KYE
C’était le plus grand, celui qui a justement disparu aujourd’hui. C’était un chien féroce, un chien de guerre. On lui apprenait à différencier les ethnies, sans doute par l’odeur, pour en faire un chien chasseur d’homme. Les Chinois l’appelaient Ngao ou Ao. Il avait presque la taille du Dho Kye.
2- SGO KYE
Sgo : porte. On comprend par là que c’est le chien qui généralement attaché, gardait les portes des maisons tibétaines. Pour le rendre encore plus terrible, on lui paraît souvent le tour du cou de queues de yak teintes en rouge (ces fameuses queues de yak qui servaient à la fabrication des perruques pour les juges Anglais.) Il ne faut surtout pas confondre ce chien avec son opposé le Gho Kye, chien du h=genre mini épagneul. Les Chinois l’appelaient Man Kou, ce qui veut dire « chien des barbares ».
3- RGYAL KYE
Son nom signifie tout simplement « chien royal ». C’était le plus apprécié des dogues, celui qui, bien soigné, honorait par sa présence les maisons de quelque importance.
4- MANG KYE
Mang : poilu, un peu comme psoo. C’est donc le dogue à poil long. Pour les Chinois c’était tout simplement un Ta Chung Kou, c'est-à-dire un chien de grande espèce.
Actuellement les Tibétains appellent assez facilement le Sgo Kye le Bothia (Bod Thia) c'est-à-dire tout simplement le Tibétain, parce sue c’est le plus commun. Il reçoit assez souvent des Chinois le nom équivoque de Tsang Kou. Equivoque parce que c’est également l’origine du Terrier.
Il existe d’autres équivoques puisque les Tibétains désignent tous les dogues en les appelant Chang Kye, ce mot voulant dire loup. C’est sans doute par ce que ces chiens sont de très grande taille qu’ils pensent qu’ils descendent du loup. On pourrait également croire qu’il existe un cinquième dogue : le Kong Po, en réalité ce n’est pas autre chose qu’un Zang Kye de la province du Kong Po. Il existe bien cependant un cinquième animal, mais il est plutôt considéré comme un bulldog.
Si les Sgo Kye étaient assez souvent peints sur les murs des maisons de tolérance, on peignait celui-là avec un retroussis des babines impressionnant sur l’extérieur des portes des prisons.
Ce bulldog était appelé P’Ingnan par les Chinois.
LES SHA KYE
Comme le nom l’indique, ce sont des chiens de chasse. Sha = viande ; ce sont donc des chiens qui rapportaient la viande. Ils étaient d’ailleurs si appréciés qu’un bon spécimen valait le prix d’un cheval de selle.
On en considère deux sortes :
1- le type à museau long ou Hsien ou Lien en chinois.
2- Le type à museau court au Hsieh Hsiao.
En tout cas, museau court ou museau long, ce sont des chiens fortement béguës (ce qui est compréhensible pour une bonne préhension de la proie.
LE BASSET
Nous ne connaissons guère que le nom tibéto mongol : Pita. Nous savons aussi que le fils du Duc de Guise en a possédé un pendant son périple tibétain au XIXème siècle.
LES CHIENS DE RELIGION
Il ne s’agit pas là de « chiens sacrés » mais de chiens qui participaient à des cérémonies lamaïstes.
a) le chien Tcheud : chien participant à des cérémonies nocturnes et démoniaques.
b) Le « chien qui prend les péchés du monde » : lors du Cham, ce chien décharge la ville de ses fautes ; il est alors chassé… mais recueilli au loin et bien soigné jusqu’à la fin de sa vie. Ce doit être un chien sain et, de plus, il ne doit pas être un chien Pariah.
c) Le chien de Chös : il participe aux cérémonies extérieures diurnes, revêtu d’un masque rouge avec deux fentes pour les yeux. Il est le symbole de Bouddha qui a de la compassion pour toute chose. Le chien employé est en général un chien de chasse.
d) Le chien de cadavre : on a jamais élevé de chiens spécialement pour cet effet mais lorsqu’on allait briser les membres d’un cadavre dans la montagne, un chien de type Pariah aidait souvent au nettoiement des lieux. A ce propose nous n’avons pas classé le Pariah, car s’il y en avait au Tibet, il ne lui est pas spécifique.
e) Le chien « dragon de mort » : c’était un chien d’accompagnement et de protection lors des prières du Bardo (les 49ème jours suivant la mort).
Maintenant que nous avons envisagé une classification sous tous les angles, un historique pour être complet devrait mener aussi à une statistique.
Si la statistique tibétaine est très difficile à réaliser, on a cependant un parallélisme frappant entre l’altitude et le nombre de chien d’une race considérée. Il semblerait que le nombre de chiens d’une race est inversement proportionnelle à l’altitude à laquelle elle vivait au point d’atteindre l’extinction pour des altitudes extrêmes : cas du Gom Khyi et presque du Dho Khyi.
Nous pouvons aussi remarquer que le nom tibétain pour « chien » écrit Khyi et prononcé Kye fait partie de la famille indo-européenne des « K » ou « C » comme Kinos en grec, Kopek en turkmène, canis en latin… petite pierre ajoutée à la preuve des migrations (l’autre famille linguistique étant la famille des « H » qui a donné Hund…)
Cependant, si en chinois le mot est Kou, il ne faut pas en tirer la même conclusion mais plutôt que le mot a du être emprunté à une langue étrangère, sans doute au groupe indo-européen.
Mais la ou l’histoire se complique est que les invasions aryennes ayant eu lieu plus tard, au XVème siècle avant JC, il a dû y avoir un mot précédent, comme en Espagne où le mot « cao » a été remplacé par Perro, passant de son côté du « C » indo-européen à un « P » non classé. Ceci n’est pas indifférent car la Mésopotamie, dont la première dynastie a près de 6000 ans, a au un mot bien à elle pour chien : nug.
Ceci nous confirme l’ancienneté canine de ce pays et la possibilité que les races tibétaines aient eu leur germe en Mésopotamie.
De toute façon, le cas des chiens tibétains est vraiment unique ; il n’a pas fallu moins que la disparition au miocène d’une mer, la Thétys, pour amorce »r la chaîne des causalités ! Ce qui entraîne un curieux parallèle puisque les Tibétains considèrent que la vibration de la « syllabe germe », Om, a amorcé la chaîne de la création.
Après tout, les deux continents se sont peut-être rencontrés en faisant retentir un Om apocalyptique qu’aurait gardé un mémoire génétique pré-humaine.