les articles
LA TÊTE DU LHASSA
- RÉALITÉS OU FAUSSES IMPRESSIONS -
Par Cathy MARLEY M.D.
Cela fait des années que je veux faire une étude approfondie de la tête du lhassa apso, mais je n'avais jamais les bons schémas à produire à l'appui. Différentes opinions circulaient au sujet de sa tête. La raison de ces divergences semblait provenir du fait que personne n'avait pu examiner la structure complexe de son crâne sous l'amas de fourrure et sous la chair. Tout ce qu'on avait pu écrire à ce sujet était le fruit de l'imagination pas des faits. Lorsque tout récemment je pu obtenir le crâne d'un très beau lhassa idéalement proportionné, j'avais donc le matériel nécessaire pour illustrer une véritable étude. Tout d'abord afin que nous puissions discuter utilement, nous devons étudier de plus près l'anatomie et définir la terminologie. La figure 1 est une vue latérale du crâne du lhassa. Il est composé de dix paires d'os. En avant du crâne nous trouvons le maxillaire qui maintient les dents supérieures et forme la partie centrale du bord inférieur de l'orbite ainsi que le fond de la cavité Le nez est recouvert par l'os nasal. L'os frontal forme la partie supérieure du bord de la cavité orbitale et s'étend en arrière pour occuper le tiers de la voûte crânienne. Là, il rejoint l'os pariétal qui s'étend jusqu'à la crête de la nuque à l'arrière du crâne. C'est au niveau de cette crête que les muscles du cou s'attachent à l'arrière du crâne. Sous la crête de la nuque se trouve l'os occipital qui est, chez le chien, plutôt petit et qui s'articule avec la première vertèbre cervicale. L'os temporal forme la base latérale du crâne et soutient la structure des oreilles. L'or pariétal, dans sa partie supérieure, est contigu à l'os pariétal, alors que dans sa partie antérieure, il se rétrécit jusqu'à ce qu'il rejoigne la région zygomatique. L'arche zygomatique est composée de deux os, le zygomatique, très petit chez le chien, s'étendant latéralement et en arrière de l'extrémité du maxillaire juste au dessus des molaires et de l'avancée zygomatique de l'os temporal. Il existe encore deux os que l'on aperçoit pas sur la figure 1 : le palais, plafond de la bouche et le sphénoïde qui parachève la base du crâne, à travers lesquels les vaisseaux sanguins et les douze nerfs crâniens passent pour se faire un chemin jusqu'au cerveau. Le mandibule est rattaché au crâne par la jointure temporo mandibulaire.
|
légende : Nuchal ridge : crête de la nuque / Parietal : pariétal / frontal : frontal / nasal : nasal / temporal : temporal / zygoma : zygomatique / maxilla : maxillaire / mandible : mandibule / occipital : occipital |
|
Que dit le standard américains au sujet de la conformation de la tête du lhassa ? Tête : abondante garniture de poils retombant bien sur les yeux, moustaches et barbes bien fournies, crâne étroit, fuyant nettement en arrière des yeux, il n'est pas plat, ni en dôme ni en forme de pomme. Le chanfrein est droit le stop moyen. La truffe est noire. La longueur entre le bout du nez et les yeux est d'environ le tiers de sa longueur totale (bout du nez à la base du crâne) Yeux : ni trop grands ni trop petits, marron foncé. Oreilles : pendantes et bien frangées. Mâchoire et museau : de préférence de niveau (ndlr :le standard FCI est très explicite et dit : prognathe contre) ou légèrement prognathe. Museau de longueur moyenne, un museau carré est atypique. Fausse Impression n°1 : «fuyant derrière les yeux» qu'il y ait des malentendus concernant la tête du lhassa n'est guère surprenant si nous considérons la description faite par notre standard. Le tout premier est du à la description de la tête du lhassa apso faite en 1901 par Sir Lionel Jacob. Je suis cependant convaincue que si Sir Lionel savait ce qu'il voulait dire en citant «fuyant derrière les yeux» il était bien le seul. Malheureusement cette phrase fut recopiée dans chacun des standards. Tout simplement parce que personne n'a jamais su en donner une interprétation satisfaisante. A mon avis, cette phrase n'ajoute rien à la compréhension de la structure et sert davantage à la confusion. Cela n'a amené qu'un tas de spéculations oiseuses. Comme on peu l'observer, le crâne ne fuit pas mais monte progressivement derrière les yeux pour former la voûte crânienne. Comme on peut le remarquer sur la figure 2, les yeux sont posés sur la partie basse de la cavité orbitale. Les globes s'avancent de la cavité osseuse et, contrairement aux yeux humains, ne sont absolument pas protégés par un os latéral. La chose qui nous paraît impossible lorsqu'on regarde cette photo, c'est l'emplacement de l'œil. «Le globe oculaire ne peut pas s'avancer de la sorte» ! Et bien oui, il le fait. Prenez votre lhassa et palpez doucement autour de l'œil.
|
Un fait tout aussi important au regard de la figure 2 c'est le muscle temporal. C'est l'un des deux muscles qui ferment la mâchoires. Ces muscles sont très développés chez tous les carnivores pour des raisons évidentes. Le grand temporal monte sur la totalité du côté du crâne actionnant sur les surfaces plates du coronoïde le mouvement des mandibules. Pour atteindre les mandibules, il doit passer au travers de l'arche osseuse zygomatique en remplissant presque totalement cette espace. Ceci a une incidence importante sur la conformation de la tête, ce que nous verrons plus tard. Fausse Impression n°2 La tête du lhassa est plus large à la hauteur des yeux. Nous utilisons l'os du conduit lacrymal (qui correspond au coin médian de l'œil), l'arrête de la nuque et les dents de devant, incisives et canines, (plus un demi centimètre pour les tissus des babines) comme notre limite dans la mesure du chanfrein par rapport au crâne. Nous nous apercevons alors que le crâne de notre lhassa a des dimensions correctes. Elles sont les suivantes : Longueur total de la tête : 12 cm Longueur du chanfrein : 4 cm Longueur du crâne : 8 cm Largeur de chaque orbite : 2.8 cm Largeur maxi de la tête (bi zygomatique) : 8 cm Largeur maxi du crâne (bipariétal) : 5.4 cm Largeur maxi du crâne (bi orbitale) : 6.5 cm Largeur entre les orbites (inter orbitale) : 2.2 cm Comme nous pouvons immédiatement le constater, la partie la plus large de la tête est située en arrière de l'arche temporale - zygomatique. Chez notre sujet le diamètre est de 8 cm - identique à la longueur du crâne. Au niveau des yeux, le diamètre n'est plus que de 6.5 cm (il faut se souvenir que la longueur totale de la tête est de 12 cm.) |
légende : Correct cranial : crâne correct / facial proportions : proportions faciales / temporaris muscle : muscle temporal / ear canal : canal auriculaire
tear canal : canal lacrymal / coronoid process of mandible : articulation corono mandibulaire / temporal muscle : muscle temporal |
temporalis muscle attachment : points d'attache du muscle temporal / orbital fossa : fosse orbitale / tear canal : canal lacrymal / masseter muscle attachment : points d'attache du muscle masséter.
inadequat space beneath zygomatic arch : espace inadapté dans l'arche zigomatic |
Il y a une autre caractéristique de la tête, qui n'est pas citée dans le standard et qui est pourtant essentielle au Lhassa tibétain. Le lhassa a un os maxillaire (ou joue) qui place les yeux dans une position plus frontale, ce que nous ne voyons pas dans les autres races canines, et les protège ainsi de la poussière, des blessures, du froid et de l'assèchement. La construction de ce maxillaire est formé à la fois par le maxillaire et le zygomatique, ce qui est très nette sur les schéma 3 et 5. Il soutient la partie extérieure du globe oculaire et donne à l'œil une forme d'amande. Sans cet os maxillaire proéminent placé juste au dessous de l'œil, les paupières manquent de soutient et ont une tendance à se rétrécir en arrière du globe oculaire rendant l'œil globuleux et protubérant ce qui l'exposerait aux blessures et à l'assèchement. La position frontal de l'œil chez les chiens tibétains est typique de ces races rendant ainsi unique l'expression dite «tibétaine» (les yeux placés bien en face leur facilite la vision binoculaire vitale chez un chien de garde de montagne. Le «Malar» est un os facial qui s'ajoute à la largeur de la tête au niveau des yeux et qui ne devrait être confondu ni avec le crâne (boîte crânienne), qui est étroit, ni avec l'arche zygomatique. Cela signifie-t-il que notre sujet n'a pas le «crâne étroit» conforme au standard ? Nous nous heurtons à des termes confus. Par crâne faut-il entendre la boîte crânienne ou la tête toute entière ? Dans une prochaine version du standard il serait souhaitable et utile de faire la distinction entre la boîte crânienne qui entoure le cerveau et le squelette facial qui, ensemble, compose la tête ou crâne. Dans les deux cas la tête est «étroite» à condition de ne pas confondre des vessies avec des lanternes. La boîte crânienne est longue de 8 cm et large de 5,4 cm, donc étroite. La tête entière est longue de 12 cm et large de 8 cm en son point le plus large, là aussi c'est étroit. Un détail que nous devons retenir, c'est qu'au moment de la rédaction du premier standard du lhassa apso(1901) il y avait une certaine confusion entre lhassa et shih-tzu. Il est certain que la tête courte du lhassa n'est pas «étroite» par rapport celle du Barzoï, mais le mot «étroit» employé dans le cas du lhassa faisaient d'avantage référence à la tête plus écrasée du Shih Tzu. Chez les carnivores, la partie la plus large de la tête se situe à l'arrière de l'arche zygomatique. Pourquoi cela ? Pourquoi la partie la plus large de la tête de notre lhassa ne se situe-elle pas entre les yeux, comme beaucoup l'ont décrite ? |
Les canidés ont à saisir leur proie avec leurs mâchoires. Ils n'ont pas les griffes des chats. Par conséquent la force des muscles de la mâchoire est impressionnante. Deux muscles ferment la mâchoire : le temporal et le masséter. Le temporal se situe sur la majeur partie du lobe temporal de la boîte crânienne. Ce muscle massif passe sous l'arche zygomatique et s'attache à l'ensemble coronoïde des mandibules, os en forme de langue longue et aplatie se projetant dans l'arche zygomatique. L'arche doit être capable de contenir ce grand muscle sans quoi le chien ne pourra pas fermer les mâchoires. Forcément, à moins que le lhassa n'ait les yeux sur pédoncules, comme un requin marteau, la partie la plus large de la tête sera le diamètre bi zygomatique. Cette arche est forte et massive parce que le second muscle masticatoire, le masséter, situé le long de l'arche elle-même, s'attache sur la face aplatie des mandibules inférieurs au joint du temporal . Chez les carnivores, cette arche osseuse est aussi importante que le cœur ou les poumons, parce que, sans cette arche, il ne peut pas manger. Si l'on se forge une image suite à la description «fuyant derrière les yeux», cela entraîne la création d'une anomalie anatomique qui est totalement illogique (celle-ci parut dans une revue canine nationale). Les auteurs affirmaient que l'arche zygomatique devenait plus étroit sur sa face postérieure comme le montre le schéma 4B. Si nous superposons les diagrammes du crâne réel avec celui décrit par le standard, nous nous rendons vite compte que le crâne du standard ne permet pas l'articulation d'une mâchoire normale. Tous les crânes des mammifères sont plus ou moins construit sur un même schéma. L'articulation des coronoïdes des mandibules se situe dans l'arche zygomatique pour que les muscles qui ferment les mâchoires puissent s'attacher aux mandibules. Chez un animal tel que décrit par le schéma 4B, il y a une impossibilité à bouger les mâchoires parce que l'articulation des coronoïdes ne peut pas se loger dans l'arche. Même si nous pouvions imaginer une autre forme de mâchoire qui s'insérerait dans l'espace anormal, il ne resterait pas de place pour le muscle temporal. Cette tentative d'expliquer un détail nébuleux du standard par des fables plutôt que par une étude sérieuse de l'anatomie est non seulement malhonnête, mais potentiellement dommageable à la race concernée. Lorsque cette sorte d'information absurde se présente comme une certitude dans des publications nationales et soutenue dans les séminaires des clubs de race nationaux comme une base de jugement, nous disons au juges de rechercher une monstruosité qui, si elle existait, rendrait l'animal non viable. Fausse Impression n°3 Le haut du nez du lhassa apso est sur le même niveau que la paupière inférieure. S'il vous plaît reportez vous aux photos montrant le crâne latéralement, le bas de l'arrondi orbital est nettement plus bas que la crête nasale. Ce n'est pas seulement vrai chez le chien mais chez tous les carnivores, vous y compris! Cependant, parce que ce fut une dame influente dans la race qui l'a écrit, nous continuons à considérer ceci comme l'évangile. Regardez, croyez ce que vous voyez plus que les mots des «experts». Si nous inclinons la tête du lhassa vers le bas, nous verrons le nez au niveau du bas des orbites, figure 5, mais étudiez encore les photos latérales. On pourrait arguer que le bout du nez est plus bas que le pont nasal, mais à ce moment là nous abandonnons «face droite» pour l'accepter plongeant et le nez du lhassa légèrement en pente sera correct. Je pense que chacun accepte que la base de l'expression du lhassa est apportée par le nez droit, sans cela l'expression est étrangère. Encore une fois…. Il suffit de regarder. Fausse Impression n° 4 Le lhassa est un chien oriental et pour cela doit être prognathe. Ceci sans distinction du fait que le lhassa n'est pas oriental mais un chien d'Asie Centrale, cette idée est venue du fait de nombreuses retouches mal adaptées faites à la race. Le museau du lhassa est le compromis entre un raccourcissement pour conserver la chaleur et la nécessité d'avoir une cavité nasale d'une longueur suffisante pour chauffer et humidifier l'air inspiré. A un tiers de la longueur totale de la tête, il se trouve à mi-chemin entre le normal, tête de type lupoïde et la tête extrêmement courte de quelques races d'ornement qui ont vues leur tête légèrement modifiée. Le standard original adopté à la fois par les anglais et les américains en 1934 mentionnait que les mâchoires devaient être de niveau, où de préférence légèrement prognathe inférieur. Pendant des années, l'AKC et son officiel «Complète Dog Book» définissait comme mâchoires de niveau une mâchoire normale (ciseau). Cependant, chez le lhassa, nous avons toujours compris que les mâchoires de niveau se devaient d'être d'égale longueur. Un chien à la mâchoire de niveau aura un museau de type «émoussé» sans conséquence sur l'occlusion dentaire…. (en fait, une mâchoire de «niveau» serait toujours de niveau même sans dent, le deuxième choix serait légèrement prognathe. Une bouche exagérément prognathe, dans laquelle il n'y a aucune occlusion entre les incisives supérieures et inférieures, est une bouche malsaine, amenée à perdre précocement ses dents. Sans contact ni pression des dents opposées, celles-ci seront vite expulsées, l'os se creusant autour des dents opposées causant ainsi leur perte prochaine. Dans la dentition de niveau ou ciseau inversé, les canines se font une place entre les incisives latérales et les canines de la mâchoire supérieure. Cette position est essentielle «encrant» une occlusion stable. Si la mâchoire inférieure est fortement prognathe, il y a alors mauvaise occlusion des canines avec perte de stabilité de l'avant de la mâchoire. Tout simplement parce que le prognathisme dans lequel les incisives hautes et basses ne se touchent pas et les canines ne s'imbriquent pas proprement est aussi inadapté qu'un bec de perroquet. C'est un désavantage biologique et ne convient pas à la mâchoire d'un chien tibétain. En 1978 le standard américain est modifié changeant le terme «bouche» par «fermeture de bouche» en altérant ainsi le sens d'une façon drastique. Une «bouche» de niveau fait référence au mâchoires de niveau, ce qui veut dire que le chien peut avoir une mâchoire de niveau, en ciseau supérieur ou ciseau inférieur; alors que «fermeture de bouche» de niveau veut seulement indiquer dents en «tenaille» ce changement d'un seul mot a engendré l'actuelle confusion entre fermetures et niveau et en ciseau. Le standard anglais fut modifié deux fois depuis 1934. L'Angleterre a opté, récemment, pour une face de type nettement plus oriental, nez retroussé. Ce dernier changement de standard, accepté par la FCI, fut rejeté par leurs cousins Australiens. Le nouveau standard anglais concernant la fermeture de bouche impose aux incisives d'être aussi alignées que possible, ce fut la principale des objections des Australiens. Les dents en droite ligne sont une caractéristique du Bulldog, du Pékinois et de quelques races similaires mais pas du lhassa apso. Chez le lhassa comme chez les races n'ayant pas une tête trop courte, les incisives se placent en un léger arrondi et les canines de la mâchoire inférieure se placent en arrière des incisives latérales. C'est primordiale pour avoir une occlusion normale des canines et des prémolaires. Si les incisives se trouvent en ligne droite avec les canines il ne peut y avoir une occlusion normale. Regardez. Regardez comment les dents entrent en contact. Malheureusement notre sujet était âgé de 13 ans et avait partiellement perdu ses dents, mas la structure demeure encore visible. Les chiens qui vinrent de l'Himalaya comme cadeau du Dalaï Lama ou ramenés par les Bailey et les Cutting avaient des bouches de niveau. Ils n'avaient pas le nez à la retrousse pas plus que des bouches prognathes désirées par le standard anglais, agréé par la FCI.. Des photos et des descriptions de la race des années 30 et 40 expositions sont très claires. La plus ancienne description de la race date de 1901 «la bouche» alors était presque de niveau un léger prognathisme supérieur était souhaitable au prognathisme inférieur. De plus, des sujets récemment ramenés du Bhoutan ont une fermeture de bouche en ciseau. A vous de décider si le lhassa tibétain d'origine ou la version anglaise nouvellement révisée, représente exactement la race. En conclusion, j'espère que cet essai photographique aura été utile pour comprendre les diverses structures de la tête. Je vous exhorte, une nouvelle fois d'examiner les affirmations des experts et de les comparer avec ce que vous voyez. Avant de voir vous devez regarder. J'espère vous y avoir aidés. Traduit par : J.G. NAMBOTIN GOBBI & Thomas H CALDWELL 3 photos du chien dont le crâne est notre sujet d`étude |
nuchal ridge : pont nuquial / neural canal : canal neurologique. |