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La relativité généralisée appliquée à la queue du chien

Thèse de doctorat ès déconnologie présentée par Jacques Millemann; DVM

Si nous posons «e» l'expressivité, «m» la mobilité et «q» la queue du chien, nous reconnaissons tout de suite la formule de la relativité généralisée au prix Nobel Albert Einstein. Nous nous proposons, à l'intention des cynophiles distingués de démontrer sa validité dans le cadre des expositions canines.

Énoncé du problème

Des éthologues distingués (il paraît qu'ils le sont tous), ont observés des chiens normaux, c'est à dire non caudectomisés (donc entiers et non amputés) ni anoures (famille de batraciens, ordre des anoures apparentés au crapaud et à la grenouille en vertu de leur absence spontanée de queue). Ils ont pu constater les faits suivants.

- Une queue fièrement arborée à la verticale, en étendard distingue un chien fier de lui, qu'il veuille défier un rival, montrer sa fierté ou inviter un congénère à une partie de jeu.

- Un port de queue à l'horizontale caractérise une attitude normande (p'tête ben qu'oui p'tête ben qu'non) quand il ne s'agit pas d'une franche indifférence ou d'un degré prononcé de neutralité.

- Lorsque ledit appendice descends sous l'horizontale, son porteur hésite franchement sur l'attitude à adopter, faut-il se méfier de l'inconnu ? prendre la fuite ? où même attaquer à titre préventif ?

- Un franche bascule latérale et subite à l'approche d'un mâle signale à ce dernier que la lice porteuse est d'accord pour subir les premiers hommages et les derniers outrages.

L'ennuyeux c'est que dans les expositions canines ce prolongement de la colonne vertébrale est censé obéir à une description idéale de la race de son porteur, donc d'avoir une implantation, une morphologie, une tenue, un port, voire une existence parfaitement déterminée par une mode des plus variables. Ce fait est d'autant plus grave que les juges canins sont censés en tenir compte et pénaliser plus ou moins lourdement compte tenu de ce fait, les sujets peu ou prou conformes à la descriptions du type racial idéal, appelé à tord «standard» vu le grand nombre de sujets qui s'en écartent.

L'implantation de la queue

Précisons le de suite, malgré ce sous-titre, contrairement à la queue de renard, la queue du chien n'est pas une plante. Elle prend cependant racine sur la croupe et, dans bien des cas sert de prolongement à la colonne vertébrale. Normalement soumise à l'action de la gravité terrestre, elle adopte une position pendante de haut en bas et s'aligne en courbe régulière et arrondie, disparaissant partiellement entre les deux fesses et couvrant pudiquement les orifices corporels postérieurs. Toute autre implantation est malséante, car elle empêche évidemment l'animal de s'asseoir sur son séant.

La forme de la queue

Elle est diverse et variée presque autant que la race du chien. Virtuelle chez le bobtail respectueux du standard ou même coupée, en virgule rabougrie chez le bulldog, en «S» chez le berger allemand, elle adopte une forme de sabre ou en cimeterre chez certains chiens de combat surtout d'origine asiatique et s'enroule en ressort de montre chez le pékinois ou le lhassa-apso. Bref souvent la queue varie, bien fol qui s'y fie.

L'usage de la queue

Il en est de la queue, comme du couteau suisse : ses fonctions sont très variées et pas toujours bien connues.

La queue siège

Lorsqu'elle est assez charnue et dûment garnie de franges et de poils, la queue peut servir de siège toutes les fois que le chien s'assoit dessus. Cela se vérifie même lorsque l'organe incri-miné ne présente pas les qualités ci-dessus énoncées. L'inverse est loin d'être vérifié : un siège ne peut en effet jamais servir de queue. Cela n'empêche d'ailleurs nullement une queue d'être le siège entre autres d'affections diverses, allant de la gale à la fistule avec ou sans écoulements.

La queue organe d'équilibrage

Il arrive chez les chiens à grosse tête, par exemple ceux dont le maître a collectionné les CACIB, CACS, RCACIB, RCACS, CQFD ou autres SGDG, ou qui ont pris l'habitude de réfléchir s'il vaut mieux se lever avant ou après l'ouverture du réfrigérateur familial, le poids de l'appendice postérieur, prolongement direct de la colonne vertébrale, suffise à peine à équilibrer le poids du cerveau.

La queue : organe directionnel

Il n'y a pas si longtemps tout chauffeur de véhicule prévenait les usagers de la route de son intention de changer de direction en tendant le bras par la portière, lorsque le véhicule utilisé n'avait pas de «flèche directionnelle» très visible. (cas des 2 CV primitives). Aujourd'hui il peut déléguer ce soin soit à des lampes à contact variable qui s'allument, s'éteignent, s'allument, s'éteignent et hésitent ainsi pendant quelque temps, soit à un chien bien éduqué. Précisons tout de suite que la dernière version du code canin civil exige de ce dernier qu'il tende la queue vers la gauche avant de dépasser son maître. Le dépassement par la droite restant interdit, une bascule vers la droite de l'organe signalisateur marque chez la chienne un désir de couverture.

La queue musicale

C'est le meilleur usage que l'on aie trouvé pour la «queue en trompette»<; <lorsque cette dernière est bouchée, le chien a des allures constipées. Les gens distingués parlent alors d'occlusion ou plus savamment encore de «lithiase sonore».

Il ne faut jamais confondre la queue du chien avec une flûte : mieux vaut en effet ne pas mordre dedans sous peine de réactions désagréables de la part du propriétaire légitime. D'une part cela ne se révèle guère hygiénique d'autre part, s'il est vrai que lorsque l'on souffle dans l'organe incriminé on peut lui conférer une turgescence intéressante, cette dernière reste malheureusement labile et de courte durée.

La queue manche

Contrairement ce que certains osent croire, cet usage énergique n'a rien à voir avec les us et coutumes comanches responsables d'apparition de rougeurs cutanées étendues. Il s'agit tout simplement de profiter d'un port vertical de l'organe caudal pour manier les balais à franges parfois rencontrés dans les espèces canines. Leur dénomination va alors du terme de Puli (importation hongroise, même si la forme hongre est interdite) au nom de Bichon s'il est malté ou fume des havanes, voire même de Pékinois lorsque d'évidentes raisons économiques ont rendu ce dernier impropre à la consommation chinoise. L'usage malté rend possible aussi l'utilisation du scotch-terrier (blanc avant et noir après l'usage).

Une précision s'impose toutefois : il est préférable de prolonger la queue du chien par l'ajout d'une prothèse toutes les fois que l'on veut chasser les moutons sans trop se baisser.

Le port de queue

Généralités

Le port d'attache de la queue est le prolongement naturel de la colonne vertébrale, à condition de se rappeler que cette dernière a suivi l'inclinaison du bassin et poursuivi naturellement la ligne de dessus, afin de se continuer par la ligne de croupe avant de prendre une ligne de fuite.

Bien entendu ceci n'est qu'un beau principe. Nous ne discuterons point de la logique qui veut que la position plus ou moins élevée par rapport à l'horizontale ou la forme plus ou moins droite ou courbée constitue un motif de discrimination dans l'élégance raciale. Retenons simplement qu'un maître soucieux de la réputation et du classement de son animal favori a bien des moyens de corriger ou de faire rectifier un aspect quelque peu indésirable à ce niveau.

Port souhaité sous l'horizontale

Les rectifications par l'éducation.

· J'ai vu en son temps pratiquer ce genre d'éducation par certains propriétaires de berger picard. La technique est enfantine mais demande la collaboration d'une baguette, en bambou de préférence. En effet, on parle à son propos de «coup de bambou». Elle consiste en un premier temps à promener son chien et à le faire parader. Dès qu'il élève la queue au dessus de l'horizontale, on lui donne un commandement ad hoc, par exemple : «Médor auriez-vous l'extrême obligeance de baisser votre organe caudal ?» et on renforce le commandement d'un coup de baguette magique sur l'organe incriminé. Le résultat est immédiat mais pas toujours durable. «L'enseignement étant l'art de la répétition» on répètera l'exercice quand il le faudra.

· Un autre procédé, plus traditionnel chez les amateurs de berger allemand, consiste à remplacer le maître habituel par un quidam. Pour montrer son désaccord et faire la gueule avec sa queue, l'animal ne peut alors que baisser la queue et essayer de fuir en tirant puissamment sur sa laisse.

Les rectifications chirurgicales.

Elles peuvent se faire de plusieurs manières bien différentes.

· La plus simple est d'amputer l'animal de l'appendice mal porté. Mais ce procédé efficace et expéditif a plusieurs inconvénients. Il est actuellement interdit dans bien des pays nordiques ou européens. Il risque, de ce fait, de fermer les portes de bien des expositions à notre animal favori. Il ne permet plus de sélectionner les chiots sur le port de leur fouet. En outre, il oblige le juge à avoir suffisamment d'imagination pour créer une queue virtuelle. Actuellement cette technique pratiquée longtemps entre autres chez le bobtail, le dobermann, le boxer ou le berger des Pyrénées semble tomber en désuétude. Elle a enfin le gros inconvénient d'interdire au chien de respecter le code de la route en signalant qu'il va pratiquer un dépassement.

· Une technique plus élaborée consiste à sectionner de façon plus ou moins complète suivant le résultat escompté, quelques tendons ou muscles caudaux judicieusement choisis. Cela s'appelle «anglaiser», peut-être parce que nous avons ici une technique de naturalisation dite «anglaisage» si elle est pratiquée Outre Manche.

· Un autre consiste à s'inspirer du procédé utilisé pour obtenir un bon port d'oreille chez le colley : il s'agit de coller une boulette de «chewing-gum» soigneusement mastiquée à l'extrémité de la queue. Précisons que bon «chewing-gum» d'occasion suffit. Pour l'avoir vu expérimenter, je n'en suis pas partisan. En effet il faut d'abord prendre une masse suffisamment pesante pour qu'elle soit efficace et parvienne à faire baisser l'appendice fautif. Sinon l'exercice n'aboutit qu'à fortifier les muscles dudit appendice. De plus, il est relativement difficile de décoller le poids en question. Le meilleur système est de plonger la queue du chien dans l'eau est d'attendre que le gel de l'hiver la prenne en masse. Cela exige du temps et de la patience. Il suffit alors d'émietter soigneusement les molécules d'eau sans arracher les poils, que l'on peigne pour soigner la présentation…

Port de queue souhaité = ou >à l'horizontale

Méthode des souteneurs

· La première des tentations consiste à se mettre derrière le chien et à étendre les deux bras : une main soutient le menton de l'animal, l'autre sert de tuteur à la queue. Cette attitude nécessite un certain entraînement de la part du propriétaire mais elle a l'avantage de lui permettre de ressembler à un moulin à vent. Elle est utilisée pour certaines races de chiens de chasse. Elle a un autre avantage : celui de la distinction. Il est en effet pas donné à tout le monde de jouer les souteneurs pour queue cabotine. Ce métier, un peu proxénète sur les bords, nécessite une grande promiscuité avec la gent canine. Comme la manipulation se fait encore à la main («hand» en anglo-saxon) on désigne le professionnel de cet exercice plus volontiers sous le nom de «handler» que sous celui d'inséminateur. Il faut avouer qu'une rangée de chiens flanqués d'une ombre humaine, soutenus ainsi, sous le menton par un doigt fureteur, l'appendice postérieur soulevé par deux doigts en pince, est un spectacle qui laisse augurer bizarrement de la nature de l'Homo "sapince".

La technique de la fourchette

· Cette deuxième méthode s'inspire fortement de celle des arquebusiers d'antan. Elle consiste à planter une fourchette, le manche contre le sol, les dents bien aiguisées au contact de la face inférieure du milieu approximatif de la queue du chien. Tout l'art consiste à prévoir la longueur exacte de la fourchette à utiliser et à dégraisser les pointes dûment passées à la pierre à huile. En effet, des macules graisseuses en cet endroit inspireraient des commentaires peu glorieux sur l'étanchéité du produit.

Prothèses à terme.

· La troisième, plus pratique, demande l'application de bandes plâtrées ou d'une prothèse en résine spéciale, s'appuyant sur le dos et les postérieurs. La rigidité de l'organe obtenue par cet-te méthode empêche l'animal de signaler ses changements de direction.

· Il reste encore la méthode des repasseuses, qui permet de résorber une part des récoltes de maïs. Plus appétissante, elle se pratique en repassant la queue avec un fer pas trop chaud et en l'amidonnant soigneusement. Si la température du fer est un peu élevée, les poils grillés et la peau cartonnée procurent en outre une rigidité supplémentaire.

· La technique dite du «barbecue» est très voisine : elle consiste à confondre la queue de chien et merguez et à mettre un tuteur centro-médullaire à l'appendice caudale canin avant de placer ce dernier sur des charbons ardents. Il est fortement conseillé de ne pas laisser les doigts à proximité des dents du chien pendant le traitement.

Procédés chirurgicaux.

· La caudectomie au ras des fesses et le remplacement de l'organe par son image virtuelle reste parfaitement possible. Pour ce faire il faut et il suffit de disposer d'un ordinateur des basses œuvres doté de suffisamment de puissance et de mémoire. Si le rafraîchissement de l'image se fait assez rapidement l'illusion est parfaite.

· L'ablation partielle en privant l'animal d'une partie de sa queue, allège cette dernière suffisamment pour permettre à ce qui reste de se dresser fièrement sans autre artifice. Elle est fréquemment pratiquée chez les terriers.

· L'anglaisage est également praticable mais ne doit pas être pratiquée sur les mêmes muscles et tendons.

Pour les fouets roulés, surtout en ressort de montre, on doit envisager la greffe d'un mouvement à quartz. C'est le problème de bien des races canines nordiques ou japonaises.

Et les ratés de la génétique.

Après les lourds efforts fournis pour pondre toutes les élucubrations ci-dessus, l'auteur de ces lignes est tombé sur un article d'une revue professionnelle («La Semaine Vétérinaire» pour lui faire hommage) mentionnant une tare à prédisposition génétique et baptisée faute de mieux «Syndrome de la queue flasque du Labrador». Renseignements pris, il s'agirait d'une affection réversible frappant la queue de certaines lignées de Labrador ou de Golden Retrievers et se traduisant par une flaccidité marquée de l'organe incriminé, lorsque ce dernier a trop servi… de gouvernail pendant une nage en eau froide. Un traitement au sulfate d'expectative, au chlorhydrate de mépris, aux anti-inflammatoires ou éventuellement avec Dulcamara 5 Ch permettrait à l'engin de retrouver un tonus de meilleur aloi donc un meilleur port.

Conclusion

La lecture de tout ce qui précède doit impliquer aussi la lecture du langage postural canin. A ce prix on comprend que tout est relatif et que la formule

E = mq²

Est vraiment relative… à l'expressivité d'un animal qui a du chien.

Jacques Millemann,Dr Vétérinaire le 5/10/01